One day I'm a mess
And the next I'm the best

“ It's hard to find someone that cares. They too obsessed with what you wear. Ask me 'bout my fucking day. Stop asking question 'bout my hair. They're just variations of the same love. Variations of the same desire to be close. ”

Fait encore froid, peut-être trop pour être là. Engoncé dans ton gros pull, la capuche sur la tête, un écouteur en place, l’autre qui pend dans ton cou. Pendant que t’observes le groupe présent. Ton premier feu de camp sur place, de l’année. 2020 qui commence en beauté – ou pas. Parce que y’a le vide constant dans ton ventre. Que t’as pas appelé tes potes – même si tu pourrais, devrais ? Pas envie, que tu te dis. Peur, en fait. Celle que tu nies, tout en approchant, ton pack de bière à la main. T’inclines la tête en croisant celles des autres, les visages un peu gommés par la nuit qui s’étale paresseusement sur Liberty. Y’a pourtant la lueur des flammes pour te rappeler à l’ordre, ici une ancienne cliente – maintenant clean, félicitation à elle, tant pis pour toi. Là, un gamin avec qui t’es allé en classe – celui qui a mieux réussis que toi, non pas que ce soit difficile. Et près des flammes, un peu en retrait des autres, le regard perdu dans les flammes, y’a ta collègue de travail. Wendy, ou Darling comme t’aime l’appeler. Barmaid au restau du beau-père. Les cheveux sombres qui brillent devant les flammes dorées, les yeux presque rêveurs. Un poème fait de chaire, une œuvre rapiécée par le tragique – comme tout le monde, n’est-ce pas ? Damn right.

C’est donc à côté d’elle que tu poses ton cul. Le corps qui s’échoue à côté. Sur la serviette étalée grossièrement au sol – rien de trop fancy ici, no fucking need. Ton pack termine entre tes jambes, tes pieds s’enfonçant dans le sable. Tes genoux redressés vers le ciel, celui où clignote des étoiles – des promesses qui soit se meurs, soit sont déjà mortes. Tu récupères deux bouteilles et lui tend la première dévissée. Pas besoin de la regarder, pas avant d’avoir ouverte la tienne aussi. L’alcool qui glisse contre ta langue, avant de chuter dans ton estomac. Pas tout à fait un soulagement, mais c’est, pour l’instant, suffisant. « Soirée de congé commune, putain d’miracle ça… » que tu grognes, un sourire se pointant au coin de ta bouche. Là, tu la regardes enfin et admire le goulot de bouteille contre ses lèvres. « Dur dur journée, darling ? » Comme Wendy Darling, oui. Peter Pan pour classique, non pas que tu aies lu l’œuvre, mais tu connais tes disneys. Sur ce, tu te cales les coudes sur les cuisses et incline la tête sur le côté – histoire de bien la fixer. Même quand tu bois, que la bouteille pique sur le côté.

« Qu’est-ce que t’en penses, Obiwan ? Tu crois que j’ai mis assez d’épaisseurs, je vais pas avoir froid ? » Elle se tourne vers son chat, qui la regarde d’un œil, enroulé sur le canapé, avant de détourner son petit museau pour reprendre sa sieste là où elle était venue le perturber, avec ses questions. Elle jette un dernier coup d’œil dans le miroir, tire sur les manches de son gros pull en laine, enfilé par-dessus un débardeur, un t-shirt, un t-shirt à manches longues… on n’est jamais trop prudent. Elle enroule une énorme écharpe autour de son cou, attrape ses clés. « Je pense qu’on est bon. Je file. Bonne soirée, mon gros tas préféré. » Elle vient enfouir son nez contre le ventre de la bête, qui grogne plus par principe que par mécontentement, habitué qu’il est aux lubies câlines de sa maîtresse. Elle caresse le haut de sa tête une dernière fois avant de quitter l’appartement, converses aux pieds. Malgré le froid, elle ressent cette petite excitation qui la reprend chaque année. Celle du premier feu de camp sur la plage. Elle n’y allait pas spécialement pour les gens, mais plutôt pour l’ambiance, pour la plage, la proximité de l’eau, et le côté fascinant des flammes. Elle enfourche son vélo, file à travers les rues en direction de la plage.

Elle s’assoit un peu à l’écart de la foule. Toutes ces têtes sur lesquelles elle ne met pas encore de noms. Deux ans qu’elle habite ici, et pourtant, elle a toujours du mal à tisser des liens, à se trouver des amis, à être vraie avec les gens. Encore trop perdue sur sa vie, que ce soit son passé, son présent, ou son avenir, tout est flou, et elle ne sait pas vraiment où elle en est. Alors s’attacher à d’autre, ça lui semble un peu… compliqué. Elle contemple les flammes d’un peu plus loin, laisse son regard se perdre sur la danse du feu, des vaguelettes de nostalgie commençant à venir lui lécher les orteils. Il ne lui en faudrait pas beaucoup plus pour se laisser submerger… C’est sans compter sur l’arrivée imprévue de la bouée de sauvetage qui vient s’écraser à ses côtés, bouteille à la main. « T’arrive à pique, toi. » Est-ce qu’elle s’adresse à lui ou à la bouteille, nul ne le saura vraiment. Elle porte la bouteille à ses lèvres, les bulles venant lui chatouiller la gorge alors qu’elle sourit à sa remarque, le regard toujours perdu sur les flammes. « T’es sûr que tu t’es pas planté dans ton planning, plus tôt ? » La taquinerie facile avec le brun qui a une vision bien à lui de son travail, certaines libertés prises avec tant de facilités que ça l’exaspère. Parfois. Elle tourne la tête vers lui au surnom qu’il lui donne. Si elle a roulé des yeux à les en faire quitter leur orbite au début, après quatre mois, elle a fini par s’habituer à l’association au personnage de Barrie qu’elle exècre. « Une journée de congé à glander et ressasser les rêves perdus comme je les aime. » Le cynisme au bord des lèvres alors qu’elle lui sourit, sincère. Parce qu’il a le mérite de la comprendre, et de la faire rire. De temps en temps. « Et toi, Madd, qu’est-ce que t’as bien pu faire de beau, à part chevaucher ta moto ? »

One day I'm a mess
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“ It's hard to find someone that cares. They too obsessed with what you wear. Ask me 'bout my fucking day. Stop asking question 'bout my hair. They're just variations of the same love. Variations of the same desire to be close. ”

Y’a pas d’angoisse à t’assoir là, près de Wendy. À juste partager une bière avec elle. C’est même paisible et quand elle te répond, la bouteille déjà en main, t’as un rire de gorge. Un son trop rauque pour être autre chose, mais pas tout à fait. C’est surtout que t’as passé l’âge de rire souvent – que t’as plus trop le cœur à ça, peut-être. « C’la bouteille ou moi qu’t’ai heureuse de revoir ? » Réponse qui ne mérite pas de réponse, parce que tu te cales un peu plus. Que tu ricanes finalement, réellement, à la suite. Mauvais planning ? Y’a des chances mais tu secoues la tête, bon joueur. L’alcool qui détend tout, qui fait de ton corps une épave. L’écouteur que t’arrache de ton oreille – même plus besoin de ça, vu la compagnie. « Nan, Eny est là. La gamine sait s’débrouiller… mieux qu’moi en tout cas. » Sur quoi tu te contentes d’hausser les épaules. Parce que c’est vrai. Que ta demi-sœur à beau avoir au moins cinq ans de moins que vous, elle n’en est pas moins la gérante. Après, elle a juste toute son enfance d’avance sur vous. Elle devait plier des serviettes en forme de homard AVANT même que tu aies perdu ta virginité – quoi que non… BREF.

Wendy te confirme qu’elle n’a rien foutu de sa journée et tu souris un peu plus, inclinant la tête. Signe d’assentiment. Toi non plus, t’as rien branlé – sauf ça, visiblement, parce que faut pas perdre la forme. « Perdus, hein ? » que tu souffles doucement, la bouteille contre les lèvres. Le regard curieux, un peu joueur. Intéressé – damn right. Les jolies poupées brisées, ce sont tes préférées. L’envie folle d’y glisser les doigts, de voir jusqu’où tu peux les enfoncer. « Toi, tu vas clairement pas t’contenter d’une bouteille, hein. » Vas-y que tu déposes ton pack entre vous et lui balance un clin d’œil, un sourire contre le goulot de ta bouteille, que déjà tu renverses. Les mauvaises décisions faites liquides. Et quand t’arrêtes la noyade, que t’as essuyé ta bouche d’un revers de manche, tu souris. « Damn right que j’l’ai chevauchée, avec elle, y’a jamais de déception. Tu devrais m’accompagner un d’ses quatre… y’a rien de mieux que ma douce qui ronronne entre tes cuisses. » Y’a même ton corps qui tangue un peu vers elle, ton bras qui viens taquiner le sien. Le regard qui coule le long de son visage, qui s’attarde encore sur ses lèvres. Le goût acre de la bière comme une tentation – sur Wendy elle doit être bien meilleure, la rousse que tu partages avec elle. « Sérieusement… pourquoi t’es encore jamais monté avec moi ? C’parce qu’on bosse ensemble ? » Parce que franchement, vu les plans foireux que t’enchaine, elle ne devrait pas bouder son – à comprendre « ton » ici hein – plaisir.