date de naissance : 2 janvier 1977, le temps s’égrène, là peu à peu le long de ton corps, le long de ta peau. Et, c'est au fil des heures et des mois que les rides se glissent, là, lentement sur les creux de ton visage. Parfois fatigué, parfois enjoué mais, peu à peu marqué par l’inévitable tic tac de l'horloge. signe astrologique : Capricorne, mais, ce n'est pas quelque chose auquel tu fais particulièrement attention. Non. Même s'il t'est déjà arrivé de consulter les quelques lignes au dos du journal. Juste pour savoir, juste pour te moquer de ce que cet avenir fictif te ferais vivre. Ces choses qui n'arrivent jamais. Non. lieu de naissance et nationalité : Tu as vu le jour dans la belle et grande ville de New-York. Foisonnante de vie, elle t'a sûrement permis de devenir ce que tu es à l'heure actuelle. Puisque tu y a vécu trente ans de ta vie. Américain, vous l'êtes de génération en génération. Même si tu es certain, qu'en fouillant un peu, en remontant dans le lointain, il doit bien y avoir du sang d'un ailleurs exotique. origines : S'il y en a des différentes, tu ne les connais pas. Non, tes parents t'ont loué bien assez ce sang "pur" américain qui coulait dans vos veines, lors de tes jeunes années. année d'études : Tu es allé loin, loin pour suivre ton rêve, des étoiles plein les yeux. Beaux-Arts puis école de photographie. Pour apprendre plus, pour apprendre encore et encore. Et tu les as réussis, toutes ces études. Avec brio. métier : Photographe de mode raté, artiste peintre dans son déclin, tu ne sais même plus, si de métier, tu n'en as pas plus que le nom. statut civil : Célibataire. Tu as arrêté de compter les années durant lesquelles ton cœur s'est vu seul, car, cela ne se compte plus. Non. Pour ne pas souffrir de cette solitude trop lourde à portée, parfois. Pourtant, tu as aimé, Eugène. De tout ton cœur, de toute ton âme, cet homme qui a fini par te laisser tomber. Parce qu'aimer un raté, ce n'est jamais bien. C'est ce qu'il a dit avant de s'en aller. De te laisser. Seul depuis si longtemps que les souvenirs s'estompes, s'oublies. est à liberty heights depuis : Dix années. Dix années durant lesquelles tu y a cru, Eugène, à retrouver cette passion qui s'est envolée, à retrouver l'inspiration que s'est ternie. Mais, rien. Rien que cette vie trop grise derrière les sourires trop grands.

Le fixer sans savoir quoi ressentir. Sans savoir où regarder. Alors qu’il est là. Alors qu’il te regarde. Toi et ton crayon, toi et ton pinceau. Et tu n’arrives toujours pas à savoir. Non. À quel moment tu l’as récupéré, lui, ce chiot égaré. À quel moment ce gosse est entré dans ta vie tel un ouragan, tel un raz-de-marée. Peut-être même tel le soleil dans la nuit. Parce que y a les mains qui se sont réactivées, parce que y a les traits qui s’y sont à nouveaux glissés, là, sur les toiles trop vierges. Vierges de vie, vierges d’inspiration. Mais, elle revient, elle grouille et brûle. Alors, que tu es là, à le fixer. Sans savoir où regarder.

Le cri qui sort de ta gorge ressemble à celui d’un animal blessé. À un animal qu’on égorge et pourtant, c’est bien toi. Toi qui hurles alors que l’appareil vole dans la pièce, s’écrase dans un bruit d’éclat contre le mur. Parce que tu n’as plus rien. Plus que rien que la rancœur, que la douleur. Alors que tu n’aperçois que sa silhouette s’éloigner. Alors que tu comprends que tu es seul maintenant. Seul avec tes désirs et tes espoirs. Seul avec tes doutes et tes peurs. Parce qu’il n’y a plus rien, Eugène. Rien qui ne sort d’entre tes doigts, d’entre tes yeux. Non. Tableaux aux traits raturés. Photos aux yeux trop rouges. Tu n’es affiché qu’en bas du journal, dans les faits-divers. Comment, ta vie a-t-elle pris un tel tournant ?

Ne pas oser, glisser tes doigts, là, sur la peau que pourtant tu es en train de dénuder. Petit à petit. Souffle trop court dans ta poitrine. Tremblement au bout de tes phalanges. Tu vois, fixes, incertain, passionné, la peau qui se découvre. Peau a la couleur du soleil. Tu voudrais autant la toucher que la croquer. Et pourtant, tu te contentes avec délicatesse de retirer le vêtement. En lui souriant à lui. En t’éloignant. Sans jamais, ne cesser de le regarder. Parce qu’il t’a brûlé la rétine. Parce que tu ne peux plus, te passer de sa vision. Muse. Les pinceaux s’activent et tu t'agrippes. Sans réfléchir. Sans comprendre. Et sans savoir, non. Si vous ne vous entraînez pas dans quelque chose de trop grand, quelque chose de trop sombre, de trop solaire ? Non, sans savoir.

« Que dis-tu ? » Et tu les fixes, tes parents. Et tu les regardes avec défis alors que tu leur souris un peu effrontément. La peur pourtant, te bousillant le ventre, te nouant la gorge. Mais, tu l’as fait. Enfin. Tu l’as fait, là, du haut de tes dix-sept ans. « Je suis gay. » Et tu sais, que ça ne va pas leur plaire, eux qui prient à l’église tous les week-end. Tu le sais mais, il fallait le faire. Parce que tu ne pouvais pas te cacher plus longtemps. Parce que tu as une vie à vivre.

Fixer le lointain. Alors que derrière toi le tableau sèche. Alors que derrière toi, sa silhouette s’est endormie. Toi, tu es là. À fixer le lointain par la fenêtre. Tasse de café glissée entre tes doigts. Tu voudrais te retourner. Tu voudrais le regarder, encore. Le fixer, toujours. Mais, surtout, tu voudrais, peut-être, t’allonger à ses côtés. Mais, c’est sûrement l’interdit à ne pas franchir. L’interdit à ne pas toucher. Parce que tu ne l’as jamais fait. Eugène, glisser tes doigts sur lui. Doigts qui se crispent le long de la tasse, qui s’agrippent. Tu n’as jamais ressenti tout ça. Tu n’as jamais été comme ça. Mais, il t’inspire, t’intoxique.

La porte se ferme, doucement. Alors que tu te rends compte que la poussière est bien trop nombreuse dans cette maison à l’odeur encore âcre de l’enfermement. C’était la maison de famille de tes parents. Celle qu’ils t’ont donnée. Parce que même s’ils t’ont mis à la porte à tes dix-huit ans. Ils n’ont jamais. Cessé de t’envoyer cet argent qui t’a sauvé la mise et la vie à bien des égards. Alors, tu leurs envois quelques lettres par an. Sans jamais de réponse. Dialogue de sourds. Mais, tu sais. Qu’au moins, ils savent ce que tu es devenu. Tu n’y es pas venu tout de suite. Ici. Non. Mais, tu as trente ans. Trente ans et une rupture. Et une descente en enfer. Alors, t’as l’espoir. Que cet endroit. Que cette maison t’illumines comme tu l’as été dans tes jeunes années. Tu la cherches, Eugène. Cette inspiration qui manque de souffle. Bienvenue à Liberty Heights.

pseudo, prénom : Marin, Elsa. âge, pays : Puiff, vingt-neuf ans, France. votre smiley préféré :    autre? : Vous êtes beaux.